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Les Jardins de La Tropical et l'Art Nouveau à Cuba

L'histoire d'un Jardin à Bière extravagant construit à l'époque de splendeur havanaise

Auteur:
Yaneli Leal del Ojo de la Cruz
Date de publication:
6 mai 2019

Les jardins de la Tropical, inaugurés en 1904, ont été pendant de longues années l'un des endroits les plus visités de La Havane. Jouxtant le fleuve Almendares, ce site naturel exceptionnel se prêtait à la détente et au divertissement tout en invitant à l'admiration des beaux pavillons art nouveaux construits dans le parc.

Des origines liées au développement de l'industrie cubaine

Son histoire commence à la fin du XIXe siècle, quand un immigré espagnol originaire de Santander nommé Cosme Blanco Herrera, alors à la tête d'une fortune amassée à Cuba dans l'industrie navale, décida d'étendre ses investissements et acheta la brasserie La Tropical. L'entreprise se transforma rapidement en un trust qui maîtrisait toute la chaîne de production : la bière, la glace, les bouteilles, les capsules, etc. Aussi, les terrains attenants à la fabrique furent bientôt achetés en vue d'assurer la commercialisation des produits. S'étendant sur 297 154 m2, un magnifique parc récréatif vit le jour : la première œuvre art nouveau de Cuba.

C'est le maître d'œuvre catalan Ramón Magriñá, doté de solides connaissances en horticulture, qui fut chargé de sa conception. Le résultat fut un magnifique jardin moderniste dessiné selon les derniers canons de l'époque, un vaste espace vert dans la ville, propice à des loisirs en harmonie avec la nature.

En 1937, les jardins de La Tropical furent intégrés au Bois de La Havane, qui s'étendait sur les deux rives du fleuve Almendares. C'est toujours un site privilégié de cet écrin de verdure en pleine capitale.

L'architecture art nouveau des jardins de La Tropical

Lorsqu'ils furent inaugurés, les jardins de La Tropical comptaient trois beaux pavillons Art nouveau où étaient organisés des repas et d'autres festivités. Le pavillon Ensueño est celui qui attire le plus les regards avec en guise de plafond, un tapis d'étoiles de mer et deux grandes lampes en forme d'étoiles géantes. Tous les éléments de la toiture sont faits de ciment gris. Les tours, les colonnes, les poutres et les rampes de la structure du pavillon, également en béton armé, prennent la forme de motifs végétaux. Le bâtiment qui simule des troncs et des branches, se confond ainsi avec son environnement naturel. Les textures de ses surfaces végétales et rocheuses, qui atteignent la perfection, sont des plus remarquables.

Le deuxième pavillon fut construit autour d'un quenettier bicentenaire (arbre donnant des quenetttes, mamoncillo en espagnol), d'où son nom : le Salón Mamoncillo. Il abrite une chapelle construite à l'intérieur d'une grotte artificielle en ciment et en pierres, avec, dans sa partie arrière, un bar à bière. Sa façade principale, particulièrement belle, paraît tout droit sortie d'un conte de fées.

À côté, un petit mirador donnant sur la rivière permettait aux visiteurs les plus distingués d'admirer les repas mémorables et les régates qui s'y déroulaient. Sur sa pergola, une bouteille de bière en ciment, fait allusion, comme d'autres éléments du parc, à l'activité commerciale en question.

Au cours de la première moitié du XXe siècle, d'autres pavillons furent construit et on proposa également de nouveaux services, ce qui contribua à faire de ces jardins le lieu de prédilection de la haute société havanaise. Même si ces nouveaux bâtiments s'écartent du style d'origine, le parc n'a jamais perdu son essence moderniste.

Du rêve à l'abandon à la restauration

Les activités qui s'y sont déroulés sont inoubliables et des plus variées; habitants de la capitale cubaine ou de passage dans cette ville, tous y prenaient part. Les pavillons ont été le théâtre de moments importants qui appartiennent au patrimoine immatériel de Cuba.

Après sa nationalisation en 1960, La Tropical a vécu une histoire assez mouvementée, avec de longues périodes de fermeture au public. Par ailleurs, les bâtiments et les jardins n'ont jamais fait l'objet de l'entretien qui leur était nécessaire, ce qui a conduit à la détérioration importante voire à la disparition de certains éléments.

Pendant longtemps, le site était abandonné et exigeait la mise en œuvre urgente d'un plan de réhabilitation et d'un projet culturel pour mettre en valeur cet espace de la capitale. Malgré tout, de nombreux visiteurs des jardins n'ont pu s'empêcher de tomber sous le charme de leurs ruines, dont la beauté est indubitablement marquée du sceau du talent. Pour les 500 ans de La Havane, la ville a enfin reconnu la valeur patrimoniale de ces jardins et les a restauré. 

Sur l'auteure : Yaneli Leal del Ojo de la Cruz est diplômée en histoire de l'art de l'Université de La Havane et Master en sciences pour la conservation du patrimoine bâti par l' École d'architecture de la CUJAE. Elle travaille comme enseignante au Collège universitaire San Gerónimo. En 2014, elle a publié le livre Les Jardins de La Tropical.

traducteur:

F. Buzzy

Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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