I.A. le duo electro cubain Iliam & Alexis
Genesis et épilogue (?) de la musique electronique à Cuba
Ils ont laissé un souvenir exquis dans la musique électronique cubaine. Et un vide impossible à combler après leur disparition d'une scène qui a existé intensément, et malgré leur participation à toutes les initiatives dans ce sens. I.A. a été l'une des meilleures démonstrations de l'autonomie « Do It Yourself » promue par le punk dans la musique électronique cubaine.

Les pionniers de l'underground havanais
Ce n'est pas, comme on pourrait le croire, le nom d'une intelligence artificielle. C'est un duo créé il y a plus de 15 ans dans une Havane qui avait besoin de cette explosion underground. Il a accueilli l'énergie des machines et la projection d'un artiste rompu aux domaines de l'art contemporain, de la performance et de ses diverses formes. Le duo avait donc tout d’artistes controversés, et c'est tant mieux.
L'album Atari : une révolution sonore
Sous le nom d'IA, deux artistes cubains forts d'une longue expérience underground se sont réunis pour donner vie à ce duo qui a balayé la scène électronique comme un feu de paille. Iliam Suárez et Alexis de la O étaient les visages les plus visibles de l'œuvre qu'ils ont enregistrée sur leur premier album, Atari, et présentée lors d'une série de concerts à La Havane. Je dis « visages les plus visibles » car leur mise en scène mettait en scène une autre galerie de visages imaginaires, chacun dans sa tête, créant une musique lysergique et puissante, tant par son originalité que par son attrait pour le public.

Iliam, comme nous l'avons déjà dit, venait du monde du théâtre, et Alexis était l'un des membres de Nacional Electronica, un groupe qui, malgré sa dissolution il y a plusieurs années, a su se faire un nom sur la scène internationale.
Le concert historique aux Bellas Artes
I.A. a donné peu de concerts sur la scène cubaine. Ils portaient également le poids de ce que signifie évoluer dans l'ombre. L'un d'eux a marqué les débuts du duo, et peut-être que certains de ceux qui étaient à Bellas Artes (musée des Beaux-arts de La Havane) s'en souviennent encore.

Cela s'est produit en 2011, lorsqu'ils sont montés sur la scène de ce théâtre de La Havane avec une performance rarement vue parmi les productions des DJ et producteurs locaux. Le théâtre, d'ailleurs, était bondé. Iliam, dans un jeu d'ombres et de lumières, a interprété pour la première fois des chansons d'Atari, dont « En la radio », « El imperio del light » et « Cientos y millones ».
Debout près du feu et des ombres, Alexis a imprégné le spectacle d'un puissant cocktail rythmique. Comme Iliam, il s'est aussi parfois transformé en ombre, une ombre qui, d'une certaine manière, reflétait aussi sa personnalité. Le spectacle a été une révélation par son originalité et la coordination des deux artistes, qui avaient des idées très claires pour former ce duo et travailler sur les chansons d'Atari, construites dans la simplicité mais avec une intelligence créative remarquable.

L'héritage d'un projet avant-gardiste
Aujourd'hui, aucun des deux n'est à Cuba, et le groupe a été mis à l'index, considéré comme un projet dissous à son apogée, alors qu'ils avaient encore beaucoup à raconter, à enseigner. Ils se sont dissous, mais ont laissé derrière eux ce jeune et exquis cadavre en héritage, ou plutôt, comme un rappel que malgré tout, l'autonomie est possible, même si ce n'est pas un destin facile.
Iliam s'est réinventé quelque part en France, et Alexis a fait de même en Espagne. À Cuba, ils ont créé un précédent que, à ce jour, je ne connais aucun groupe qui l'ait repris ou utilisé comme influence pour proposer quelque chose qui parvienne à priver la musique électronique de tout son sens du spectacle.
I.A. ne se résumait pas à des chansons et à une culture dance bien développée. Chez Atari, ce souvenir analogique de l'enfance, ils ont exploré avec sarcasme des pans de la réalité cubaine et, en général, de l'époque marquée par l'horloge de leur temps, qui était logiquement le nôtre. Et maintenant, c'est le temps de nos ombres.
Aller plus loin...
Stéphane Ferrux-Bigueur
Michel Hernandez - journaliste
Issu de la Communication sociale, une spécialité de l’université cubaine, Michel est aujourd’hui journaliste spécialisé dans la critique musicale à Cuba. Il a contribué à des publications telles que le quotidien officiel Granma, OnCuba et Cubanet.
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