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Interview de Léo Brouwer

Auteur:
Rafael Lam Marimón
Date de publication:
5 octobre 2012

Leo Brouwer est un guitariste et compositeur cubain fondamental de la seconde moitié du XXe siècle. Il est ce que l'on appelle en italien un « capo scuola » : maestro, musicologue, guitariste, compositeur, chef d'orchestre, écrivain et promoteur musical.

Il fait partie des quatre musiciens vivants les plus remarquables des deux cents dernières années et fait ainsi partie des plus grands guitaristes de l'Histoire. En 1988, durant la 22ème Assemblée du Conseil International de la Musique (CIM) de l'UNESCO, l’institution le marqua dans ses statuts comme Membre d'Honneur à Vie, Léo Brouwer se trouve parmi les classiques à l'instar de Shostakovich, Shankar, Menuhin, Karajan, Ginastera et Villa- Lobos.

Parmi ses distinctions se trouvent le Prix Manuel de Falla 1998, Espagne; le Prix National de Musique de Cuba, 1999; le Prix MIDEM Classique, Cannes 2003.  

Converser avec Léo Brouwer, c'est comme voyager dans le monde de la musique; un génie qui mentionne rarement l'histoire. Nous l'avons rencontré à l'occasion de son 65e anniversaire en 2004.

Léo, comment fut le monde musical de ton enfance ?

Léo Brouwer : Mon grand- père était promoteur musical de radio, mon père joueur amateur de tango à la guitare ; ma mère chanteuse et instrumentiste de l'Orchestre Las Hermanas Mesquida qui jouait à Los Aires Libres. Mes grand- tantes et oncles, Ernestina et Ernesto Lecuona, une véritable institution musicale.

Qu'as-tu appris d'Ernesto Lecuona ?

L.B : J'ai appris, comme Ernesto, à composer sur la table en mettant les papier en éventail, je le fait lorsque j'écris de la musique pour le cinéma. Auprès des Lecuona les vibrations te parviennent toujours, le courant musical est important.

Pourrais-tu nous parler de tes études ?

L.B : Isaac Nicola fut mon grand maître, mais je déployais beaucoup d'efforts pour apprendre. En 1959 j'ai gagné une bourse pour étudier au Juilliart du complexe Lincoln Center de New York. En 1960 les relations entre les Etats-Unis et Cuba se rompent et je n'aurais jamais cru revenir dans mon pays. Ils m'avaient proposé une classe de guitare à Juilliart, des tournées et un contrat à la maison de disques Columbia, un consortium gigantesque. J'ai pu aussi accompagné le chanteur Harry Belafonte. Mais j'avais besoin d'un public plus chaleureux, plus humain et à Cuba commençait une révolution culturelle.

Que se passa-t-il à ton retour à Cuba ?

L.B : J'ai commencé à jouer dans des salles de concert, à donner des cours, à être conseiller à Radio Habana Cuba et diriger la programmation musicale au Teatro Musical de La Habana, aux cotés d'Alfonso Arau et d'autres figures de légende comme Chucho Valdés y Bobby Carcasés.

Comment es-tu arrivé à l'ICAIC (Institut du Cinéma Cubain) ?

L.B : En 1969, animé par Haydee Santamaría, Alfredo Guevara arriva du Brésil avec l'idée de former le Groupe d'Expérimentation Sonore de l'ICAIC (GESI), avec des musiciens de talents comme Silvio Rodríguez, Pablo Milanés, Sara González, Noël Nicola. Pour eux, j'ai conçu un programme d'apprentissage accéléré, compact. Une méthode qui s'applique actuellement à la formation des étudiants de groupe. La Nueva Trova arriva au sommet de ce mouvement dans le Groupe de l'ICAIC.

Qu'appelle-t-on le grand envol de Léo ?

 L.B : Il s'agit de l'étape de la conquête de l'Europe avec des tournées sur les plus grandes scènes dans les années 70.

Pourrais-tu nous en dire plus sur les concours et les festivals à Cuba ?

L.B :  Ceux-ci ont un antécédent en 1978, avec la Rencontre de Guitare de la Casa de las Américas. La force de la guitare à Cuba nous a conduit à l'organisation d'un Concours et d'un Festival International de Guitare de La Havane. À celui-ci défilèrent tous les grands de la guitare mondiale.

Quel concept inventas-tu lors de tes concerts ?

L.B : Moi – de même que les Grecs et les Égyptiens – je ne sépare pas la distraction de la culture. La douceur et l'utile sont des choses qui doivent s'équilibrer dans l'art. J'ai commencé faisant des concerts qui allaient de Bach aux Beatles; le plus avancé de mon temps. Durant cette ultime étape, j'ai amené la Conga avec ses tambours, à la tradition symphonique européenne.

Il n'est pas usuel, dans le monde symphonique de rencontrer un interprète qui soit simultanément un bon compositeur. Comment conçois-tu cette alliance ?

L.B : J'ai débuté dans le monde de la composition en pensant à la nécessité qu'avait la guitare de sortir des traditions de son ghetto andalou pour s'intégrer à un univers plus moderne. J'ai étudié les possibilités de la guitare, de l'orchestre, de l'électronique et de tous les « outils » sonores, la manière d'accommoder la guitare avec l'orchestre et vice-versa. Ce fut un travail passionnant de par les nombreuses façons de brasser les structures et les modèles techniques.

Dans la facette musicologique, tu viens de publier un livre : Léo Brouwer, gajes del oficio (Léo B, impondérables du métier), quel but poursuit cet ouvrage ?

L.B : C'est une compilation de huit textes sélectionnés parmi une centaine de conférences, articles et essais que j'ai réalisé.

Conjunto instrumental Nuestro Tiempo

Leo Brouwer - Un dia de Noviembre

Enregistrement du morceau Un dia de Noviembre de Leo Brouwer

Léo et la musique continuent, il voyage moins et compose plus. Il se trouve à une étape de sa vie que José Martí appelait « concentration de la quintessence ». Le maestro assure que « [...] la musique est partout et en tout. Si nous restions quarante huit heures sans musique, il y aurait une catastrophe mondiale ».  

Le Ministre de la Culture Abel Prieto dira, en parlant de Léo Brouwer : « Léo crée l'île de jour en jour jeune et souriante, et le diable l'observe – envieux – dans l'ombre. »

traducteur:

Alain de Cullant

Lettres de Cuba

« Lettres de Cuba » est une revue culturelle numérique éditée en français, dans le but à la fois de diffuser la culture cubaine dans le monde francophone et d'offrir un espace aux voix et à la pensée des artistes et intellectuels de cette communauté. Au rythme mensuel de ses publications, « Lettres de Cuba » met l’accent sur la culture artistique et littéraire, sans oublier les autres expressions de la création humaine qui s’érige sur une philosophie et une éthique humanistes. Ses différentes sections comprennent des références à nombre d’ouvrages d’auteurs cubains traduits en français, des articles sur le patrimoine de l’île et les nations francophones, des textes que relèvent des liens existants entre Cuba et la francophonie, des interviews d’intellectuels du pays, ainsi que des nouvelles sur l’actualité culturelle et une galerie photos. « Lettres de Cuba » bénéficie en outre de l’appui d’un prestigieux Conseil Editorial, composé entre autres de l’essayiste Graziella Pogolotti, Prix National de la Littérature 2005, et de l’historien Pedro Pablo Rodríguez, chercheur au Centro de Estudios Martianos (Centre d’Etudes de José Marti). Page web :www.lettresdecuba.cult.cu

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