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Varadero, une petite ville riche d’histoire

… et pas seulement le plus important site balnéaire de Cuba

Auteur:
Stéphane Ferrux-Bigueur
Date de publication:
22 novembre 2023

Classé de nouveau en 2022 et 2023 parmi les 10 meilleures plages du monde par TripAdvisor, Varadero possède une longue histoire, de site balnéaire bien sûr, mais pas seulement.

Museo de Varadero

Présenter Varadero comme un site historique fut l’idée de cet article, publié en 2012 dans la revue L’Amateur de Cigare. Aujourd’hui quand est-il, Varadero a-t-elle perdu son cachet d’antan ?

Avec plus de 20 milles lits répartis sur plus de 60 hôtels, le long de 23 km de sable blanc, le cadastre de Varadero, premier site balnéaire de Cuba, affiche complet ; plus un terrain constructible disponible. Il reste néanmoins quelques chantiers en cours, des anciens hôtels qu’on rénove ou que l’on déplace pour respecter les normes de protection des littoraux. Pour obtenir de nouveaux espaces et créer de nouveaux hôtels, on est en train d’agrandir la péninsule, en la reliant à l’îlot Buba par un pont sur la mer.

Playas Varadero

Aujourd'hui, Varadero exploite chaque mètre carré de terrain, même si on est loin du bétonnage de certaines stations balnéaires de la région. Car, bien que 80 % de ces hôtels tout inclus, classés 4 et 5 étoiles (normes locales), occupent la majeure partie de la péninsule, le village de Varadero subsiste avec même quelques logements atypiques, authentiques et historiques.

Une ville historique ?

La première ébauche de la péninsule de Varadero sur une carte date de 1540. À l’arrivée des Espagnols à cette époque, les aborigènes vivaient dans cette région de Cuba. Les conquérants s’intéressèrent au site en premier lieu pour ces salines.

Hotel Melia Varadero (desde mansión Xanadu)

On produira le sel à Varadero de 1555 à 1931, fameux en Europe pour la finesse de ces grains. La plus ancienne des lagunes salines était encore visible entre les hôtels Paradisus et Peninsula jusqu'en 2010, dans ce qui est maintenant un site naturel protégé, bien que l’on y construise des bungalows, sur pilotis au milieu de l’étendue d’eau.

En 1883, apparaît la première maisonnette, en bois, construite par des habitants de Cardenas (à 9km), à des fins « balnéaires ». Et en 1887 est créé officiellement le village de Varadero et ceci pour profiter du site naturel comme lieu de villégiature.

Varadero años 50

Les Espagnols n'avaient auparavant jamais vraiment vécu sur la péninsule, malgré l’activité économique organisée pendant plusieurs siècles. En plus du sel, l’endroit servait à l’échouage des bateaux. On les immobilisait volontairement pour réaliser leur entretien et ceci grâce aux différents niveaux de sables en bordure de plage. Ces bancs de sable de différentes profondeurs confère aujourd’hui toute la beauté caractéristique de Varadero . Ils produisent la palette de tons bleus de la mer. On doit d’ailleurs le nom de « Varadero » à cette pratique dont la traduction serait « lieu d’échouage ».

Les Américains débarquent à Varadero

Dès les premiers moments de l’annexion américaine de Cuba, en 1900, les voisins du nord créèrent une entreprise pour promouvoir le site de Varadero : Cuba Chatagua Ressort. Car, on l’a vu, Varadero ne fut officiellement fondée que pour ses atouts balnéaires. À cette époque de fin du 19ème, c’était l'un des rares endroits au monde où l’on se baignait… à l’air libre. La pratique était de se mettre à l’eau dans de petits abris construits sur les plages à cet effet.

Ce « dévergondage » attira les progressistes, et c’est ainsi que Varadero, promu aux États-Unis, vit l’arrivée quelques temps après, des hommes d’affaires en quête d’investissements. Parmi eux, Irénée Dupont de Nemours, qui s’empressa dès 1926 d’acheter (à 15 centimes USD l’hectare !) plus de la moitié des terrains composant la péninsule. À couvert de l’entreprise qu’il créa soit disant pour la culture de plantes grasses, Henequeneras Peña d’Icacos S.A., il réalisa la meilleure opération immobilière de l’époque, revendant petit à petit en parcelles et au centuple.

Xanadu (Casa Dupont)

La même année il fit construire sa maison qu’il baptisa, inspiré par un poème de Samuel Taylor, Mansion Xanadu, ce qui signifierait : « terre prodigieuse », un nom effectivement choisit à propos. Les architectes Govantes et Cabarrocas, on leur doit également le Capitole et la bibliothèque nationale de La Havane, réalisèrent ce qui constitue, encore aujourd’hui, un cas d’école (d’architecture). Cette résidence au style atypique, et néanmoins très réussi, sert maintenant de Club House du Golf de Varadero.

Mais le meilleur développement touristique de Varadero se situe entre les années 30 et 40 et jusqu’en 1950. Grâce à de nombreux investisseurs américains, notamment Silbas, qui créa la Chambre de Commerce de la région, promoteur entre autres de l’hôtel Kawama encore utilisé de nos jours. Varadero devint une destination privilégiée de la villégiature américaine.

Le patrimoine architectural de Varadero

En se promenant dans Varadero on voit encore beaucoup de constructions issues de cette prestigieuse époque. Par exemple en 1950 lors du concours international d’architecture, de nombreux candidats choisiront Varadero comme site afin de réaliser leur œuvre. Parmi quelques bâtiments, aujourd’hui réhabilités ou transformés en installations touristiques, on remarquera les hôtels : Kawama, Los Delfines, L’Oasis, Pullman, Dos Mares et Internacional.

En fait trois styles se distinguent parmi les constructions du Varadero d’avant la Révolution :

Casa de madera en Varadero (estilo colonial)

- Les maisons en bois des années 20 et 30, issues directement du style des bungalows du sud des États-Unis. Le plus bel exemple étant l’actuel Musée de Varadero (connu en France comme « La Maison Bleue » pour avoir été mis en valeur dans le téléfilm Terre Indigo).

-Puis dans les années 30, 40 les maisons se dessinent dans un savant mélange de pierres, notamment de corail avec ses couleurs et aspérités caractéristiques, et de bois visible sur les balcons, charpentes et structures de bâtiments. Par exemple l’actuelle pizzeria Castel Novo, le restaurant Lai Lai, la policlinique de Varadero, ou encore les hôtels Pullman et Dos Mares.

-Enfin à partir des années 50, apparaît l’introduction du verre dans l’aménagement des ouvertures. Il est visible dans les jardins du Cuatro Palmas parmi les différentes villas comme l’ancienne résidence d’été du dictateur Batista, ou encore les hôtels Oasis et Internacional.

Puente de Bacunayagua

À partir de cette époque, le même Batista donne un nouvel essor à Varadero. C’est l’air du tourisme qui se développe. Il fera construire les voies d’accès, la fameuse Via Blanca (route Blanche) entre La Havane et la péninsule, développera les connexions aériennes. Apparaissent pendant ces années les premiers hôtels hors de ce qu’on considère la ville de Varadero (comme l’hôtel Internacional). En 1956 Varadero est déclaré centre touristique national et international.

Varadero après la Révolution

Après le triomphe de la Révolution, Fidel Castro rendit les plages publiques, aménagea certaines installations selon ces besoins révolutionnaires. Il facilita l’accès aux hôtels à la population, organisa un des centres de la campagne d’alphabétisation, ou encore mettra à disposition une villa pour le repos des cosmonautes russes de retour sur terre… (encore visible dans les jardins de l’hôtel Sol Sirenas).

Meliá Internacional

Pendant les belles années de la Révolution, les Cubains rêvaient de Varadero, comme les Français de Cannes, Biarritz ou Saint Tropez. Le site était synonyme de vacances, soleil, détente, les plus nantis y possédaient une maison secondaire. Se voir offrir quelques jours à Varadero de la part d’organisme politique, comme cela se pratique beaucoup à Cuba, était la récompense maximum, particulièrement pour les travailleurs de provinces. À cette époque les restaurants, cabarets, lieux de détente garantissaient l’animation de la bourgade, très fréquentée.

Néanmoins, la Revolucion stoppa l'essort économique de Varadero durant une longue période. La seule construction datant des années 80 fut l’hôtel Atabey et Siboney aujourd’hui Palma Real, exemple de l’architecture spartiate révolutionnaire.

L’histoire se répètant l’arrêt du développement touristique de Varadero ne fût que momentané. Depuis 1990, la péninsule a retrouvé sa vocation de premier centre touristique de Cuba. Le mal nécessaire, comme on dit à Cuba, pour la survie économique du pays est devenu le tourisme et Varadero s'est transformée en figure de proue de cette nouvelle économie.

Parque Josone (Varadero)

Seulement, avant d’être une station balnéaire plus ou moins aseptisée, Varadero fut une ville, certes dont l’objectif était depuis sa création la villégiature, mais avec une âme, c’est à dire une population, une organisation et aménagements politiques classiques. Bien différente des nouvelles stations balnéaires cubaines organisées de toutes pièces, sur des sites déserts, les cayos (îlots) comme Largo, Santa Maria ou Coco.

Aujourd’hui, même si l’on tente de le réduire à un simple centre touristique, Varadero est un village vivant. L’essentiel de son activité est bien évidemment orienté sur l’exploitation de ses hôtels, moteur de l’économie, mais on peut encore y découvrir une âme de petite ville riche d’histoire. Les activités récréatives, bars, restaurants, cabarets, centres culturels imposent une résistance évidente face aux grands hôtels organisés en « tout inclus ».


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