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Yissy : un sourire qui illumine les percussions à Cuba

Le parcours d'une batteuse cubaine de jazz

Auteur:
Marianela González
Date de publication:
26 septembre 2022

Yissy García est la fille de Bernardo, fondateur d’Irakere et batteur d’Arturo Sandoval. Elle a grandi avec une batterie, a observé comment était joué la musique qualitative et a vécu le quotidien d’un groupe qui s'est transformé en véritable légende. Ses oncles sont également percussionnistes. Ces derniers années, elle occupe avec son groupe le premier rang du nouveau jazz sur l’île. 

Yissy García et sa bande n’est pas, à proprement parlé, le nom le plus commercial. Mais la musique de Yissy García et son groupe n’est pas non plus commercial. Selon elle, c’est du jazz décontracté... mais bien construit. Elle veut que les gens savourent une musique rafraîchissante, et pour cela, elle se fait accompagner par Jorge Aragón au piano et Julio Rigal à la trompette. Julio César Ochoa est à la basse et le Dj Jiguë est aussi présent.... autant dire que d’excellents musiciens !

Une reconnaissance institutionnelle et de ses pairs

Yissy a été propulsée en 2013 au centre de la sphère publique culturelle cubaine par l’intermédiaire du concours International Master Jam Festival à Odessa, en Ukraine où elle a fini première de sa catégorie. À Cuba, les prix permettent la reconnaissance publique mais cela faisait déjà quelques années que Yissy García faisait parler d’elle dans le milieu des jeunes joueurs de jazz qui font bouger l’île. Le jazz est devenu un véritable courant au même titre que le son, la salsa, la trova, la rumba ou le guaguancó.

Et si l’on doit mesurer  la qualité artistique à travers les prix, mentionnons qu’en 2005 elle a obtenu la Mention spéciale pour accompagnement au Festival international des Jeunes Jazzmen (JoJAZZ) et le Prix spécial au concours du Festival international « Fête du Tambour », à La Havane. Puis en 2006, lui est décerné le Deuxième Prix d’Interprétation au JoJAZZ.

Depuis 2007, sa talentueuse collaboration a favorisé divers succès discographiques :  avec Anacaona (Cuba le canta a Serrat, 2007, No lo puedo evitar, 2008 y De Cuba soy, 2013), Michel Herrera (En la espera, 2010), Joaquín Betancourt et le Jazz Band (Sueños del pequeño King, 2011) et Emilio Morales (Canciones de Lázaro García, 2012).

Elle a également participé à trois productions de la collection Jazz Young Spirit du label cubain Colibrí (En la espera, 2010, Trance, 2013, y Dactilar, 2013) ainsi qu'à la bande son du long métrage d’animation Chico y Rita (2010) par le réalisateur espagnol Fernando Trueba et le DVD en live La percusión cubana, avec Edgar Ochoa, Adel González et Yaroldy Abreu.

On l’a également vu sur scène aux cotés d’Omara Portuondo, Bobby Carcassés, Raúl Paz, Joaquín Betancourt, Alexis Bosch, Orlando Sánchez (CubaJazz), Yasek Manzano, Roberto Carcassés e Interactivo, Kelvis Ochoa et Roberto García.

Un public présent

Elle espère ce soir que les aléas des transports à La Havane permettront à ses fidèles de venir la voir... Eux qui la soutiennent depuis la première représentation de son groupe le 4 août 2012. Nous sommes au Café Jazz Miramar, un oasis culturel situé à environ 5 kilomètres du centre ville mais desservi uniquement par deux lignes de bus.

Sur la scène qui se trouve au centre du Café Jazz Miramar, le quintet nous offre une fusion jazz, funk et musique électro. Tout autour, nous ne sommes pas nombreux, deux ou trois douzaine tout au plus. Le prix de l’entrée est assez prohibitif et se répercutera sur le repas du lendemain. Pendant le concert, le public parle peu, les gens boivent en silence et se déplacent lentement. Le Café Jazz Miramar situé sur la 5ta avenida est le temple du jazz à La Havane.

Yissy nous raconte qu’ils étaient sept au départ mais qu’en un an, à force de travailler le style, l’effectif a été réduit. C’est difficile de mener un groupe. Il ne suffit pas d’être un bon instrumentiste, il faut également être bon musicien. Elle qui a la musique dans le sang sait bien ce que cela implique.

Une artiste engagée ?

À l’âge de dix ans, elle a commencé à étudier à la Manuel Saumell, une école de musique pour niveau élémentaire. À quinze ans, elle entre au conservatoire Amadeo Roldán et y finit ses études de percussions. Elle a appris la technique à l’Académie puis l’a oubliée dans la rue et à la maison. À Cuba, même si cela semble difficile à croire, « la musique populaire se fait en dehors de l’école », et c’est ce genre de musique que Yissy souhaitait faire.

« Vas-y Yissy, fait sonner ! » lui demandait Anacaona, l’orchestre qui l’a formé. Cette phrase est restée gravée dans les clips vidéos et plus d’un danseur la connait par chœur. Le moment est venu de secouer le corps, bouger les épaules, de faire « à sa sauce ».

Cela appartient à l’époque où cette formation, n’ayant que des femmes, montra un nouveau visage et marqua un tournant qui lui permit d’être propulsée au premier rang de la musique populaire dansante à Cuba. Un terrain habituellement réservé aux hommes…

Dans un environnement très masculin, la jeune batteuse créa alors son propre groupe. Avec Anacaona, elle pu apprendre d’autres sonorités qu’elle n’aurait jamais pensé jouer. Mais la musique populaire qu’elle voulait faire était le jazz, bien qu’à Cuba cela n’en fasse pas partie.

Le latin jazz, le jazz traditionnel, le free jazz avec du guaguanco, du son, du funk et de la musique électro. Le jazz est un genre très large qui donne de nombreuses possibilités. Or moi je suis une personne très speed, j’aime pouvoir jouer à chaque fois des styles différents pour ne pas m’ennuyer

Elle compose pour son groupe « Cela faisait longtemps que j’avais en tête d’avoir quelque chose à moi mais sans me décider à faire le premier pas. C’est vraiment très compliqué de diriger un groupe mais j’ai toujours voulu interpréter mes propres compositions et être à la tête d’un band ». Son visage s’illumine en parlant.


Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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