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Société

La marque indigène dans l'ADN des Cubains

Les descendants des Taïnos

Auteur:
Mayasil Morales Perez
Date de publication / actualisation:
28 mai 2024

La composition ethnique de la population cubaine est complexe. Si, durant plus de 400 ans, l'influence des aborigènes dans la composition ethnique de la population cubaine a été considérée comme disparue, de nouvelles études viennent infirmer ces anciennes croyances. Découvrez dans cet article les dernières recherches sur le sujet.

Image de Francisco Ramírez, cubain avec le plus haut pourcentage de gènes amérindiens dans son ADN
Cacique Panchito, Francisco Ramírez

Jusqu'à il y a quelques décennies, on pensait que cette composition ethnique résultait de l'union de gènes européens, africains et asiatiques. Mais des études menées dans la région de l'Amérique Centrale ont démontré qu'après un mélange génétique caucasoïde et/ou africain, les traits phénotypiques amérindiens peuvent être rapidement perdus. C'est cette déperdition qui a eu comme conséquence de considérer l'influence des aborigènes cubains comme disparue durant plusieurs siècles.

Lors de l'arrivée de Diego Velázquez en 1511, la population aborigène cubaine, souvent assimilée au groupe des Taïnos, était estimée à 112 000 personnes. Après les premières années de la conquête, ce nombre s'est considérablement réduit en raison des affrontements armés, de l'exploitation résultant de l'esclavage et des maladies. Ce sont en particulier les maladies infectieuses comme la variole, la rougeole et la grippe, introduites sur le continent par les colonisateurs espagnols, qui firent des victimes. En 1570, il ne restait plus qu'environ 3 000 indigènes, essentiellement des femmes.

Répartis en trois groupes principaux : les Siboneyes, les Tainos et les Guanajatabeyes, on sait qu'ils ont habité l'ensemble de la Grande île, comme le confirment les vestiges trouvés dans plus de 3 200 sites archéologiques. Les provinces de Pinar del Río, Villa Clara, Holguín et Guantánamo sont les plus riches en sites archéologiques. Cependant, sur l'île de la Jeunesse, ainsi que sur les cayes et les îlots appartenant à l'archipel, la présence aborigène est également documentée.

L’extinction apparente, mythe ou réalité

Fernando Ortiz est considéré comme le troisième découvreur de Cuba pour son travail inestimable dans l'étude des racines historiques et culturelles de la population cubaine. Il décrit les conséquences de l'arrivée des Espagnols sur l'île dans son essai Los factores humanos de la cubanidad (Les facteurs humains de la cubanité). À cet égard, il affirme : « Ce sont deux mondes qui se sont découverts et qui se sont affrontés. L'impact des deux cultures a été terrible. L'une d'entre elles a péri, comme terrassée ». Les Indiens se sont éteints. On disait, il y a peu, qu'il y en avait encore, bien que métis, dans les montagnes de Santiago de Cuba et de Pinar del Río, mais rien n'était scientifiquement sûr.

Ce sont deux mondes qui se sont découverts et qui se sont affrontés. L'impact des deux cultures a été terrible. L'une d'entre elles a péri, comme terrassée

Reina Ramírez, épouse du cacique Panchito, Francisco Ramírez
Reina Ramírez, épouse du cacique Panchito

Cependant, l'empreinte indigène a persisté à travers les âges dans la population cubaine, présente dans ses traditions, sa culture et sa langue. L'utilisation de plantes médicinales dans le traitement des maladies, l'ensemencement des cultures en fonction des phases de la lune, la construction de huttes dans les zones rurales du pays, l'utilisation du yucca et du maïs comme base de l'alimentation sont quelques-unes des connaissances héritées des aborigènes. Des mots tels que : jutía, carey, manatí, tocororo, guayaba, aguacate, conuco, casabe, ajiaco, Habana, Bayamo, Guanaroca, Duaba, Moa et bien d'autres sont des exemples de langues natives amérindiennes.

Durant plusieurs siècles, la question de l'origine ancestrale des Cubains est restée sans réponse ; en réalité, le patrimoine génétique de leur sang indigène s'est éteint. Des chercheurs, dont Alejandro Hartmann, historien de la ville de Baracoa, affirment que dans toute l'île, des individus conservent des traits phénotypiques des premiers colons, et que 22 communautés ont été identifiées dans l'est du pays. Il affirme également que dans les montagnes de Guantánamo, des indigènes vivent dans des communautés qui maintiennent leur culture et leurs traditions vivantes.

La survie de l’empreinte amérindienne

En 2018, le projet Cuba Indígena a entrepris une étude multisectorielle pour répondre à cette question. Sur la base de recherches antérieures, qui ont établi que la distance génétique des Cubains est plus proche des populations méditerranéennes et européennes, suivies par les racines africaines. Les gènes asiatiques sont présents, mais en faible pourcentage. En revanche, l'influence des populations des ethnies amérindiennes se situe entre 8 et 20 %.

L'analyse de l'ADN nucléaire et de l'ADN mitochondrial a permis d'établir qu'au moins un tiers des Cubains sont issues d'un ancêtre amérindien. Cela confirme que l'héritage biologique amérindien a été présent dans la composition démographique cubaine tout au long de ces cinq siècles

Ces résultats ne garantissent pas seulement la vitalité de l'empreinte indigène sur l'île, mais exposent également la résilience de la lignée à travers les âges. Une autre signification est historique et va au-delà de la dîme de la majorité de la population. Elle évoque l'union et la procréation d'Espagnols avec des femmes indigènes, peut-être aussi les abus et la violence à l'égard des femmes. Mais surtout de la résilience des femmes cubaines et de leur rôle dans la survie génétique des Amérindiens à Cuba. 


Cubanía

Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.

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