L’Histoire de l'empire chocolatier de Milton Hershey
Auteur:
Indira Rosell Brown
-
19 novembre 2023
Cubanía
Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.
Le village Hershey à Cuba fut durant la première moitié du XXe siècle une sorte de « ville industrielle ». Non seulement il approvisionna en sucre la millionnaire compagnie de chocolats de Milton Hershey, mais il représenta une œuvre philanthropique dont le souvenir perdure jusqu’à aujourd’hui.
Central Hershey
Il y a plus de 100 ans, Cuba faisait partie de l’empire chocolatier de Milton Hershey. Le magnat américain a fondé à 48 kilomètres de La Havane un village qui deviendra une pièce clé dans la production de ses délicieuses confiseries.
L’entrepreneur baptisa Hershey le village et la centrale sucrière qui, pendant plus de 20 ans, approvisionna The Hershey Chocolate Company. Cet investissement sur le territoire cubain rapporta à Milton des profits de plusieurs millions et la possibilité de concrétiser sa vocation philanthropique. Il érigea ainsi, un village pour les travailleurs de la centrale sucrière et leurs familles, dont on se souvient encore avec tendresse.
Les débuts d'un empire chocolatier à Cuba
En 1916, aux États-Unis, des noms allaient révolutionner le monde des affaires : Henry Ford commercialisait ses modèles T, Rockefeller forgeait avec succès l’industrie pétrolière et Milton Hershey, le roi du chocolat, venait à Cuba pour résoudre un problème qui lui ôtait le sommeil. La Première Guerre mondiale menaçait l’approvisionnement en saccharose des États-Unis, mettant en péril des entreprises comme celle de Milton.
Fábrica Hershey en Pennsylvania
En 1894, le magnat américain avait fondé The Hershey Chocolate Company en Pennsylvanie, une industrie lucrative dédiée à la fabrication de bonbons au chocolat au lait que l’entrepreneur gérait parfaitement. Mais en 1916, Milton, 59 ans, était confronté à une terrible pénurie de sucre. Il savait également, qu’à seulement 90 milles des côtes américaines, il pourrait trouver la solution au problème : Cuba était le premier producteur mondial de sucre de canne.
Durant son séjour sur l’île en 1916, Milton Hershey acheta non loin de La Havane, plusieurs hectares de terres. Il y cultive de la canne à sucre et y construit une centrale. L’installation industrielle était destinée à la mouture et à la transformation de la canne à sucre. Elle disposait de huit étages et possédait la technologie la plus avancée de l’époque.
Chocolate Hershey
La Central Hershey produisit au cours des 12 premiers mois de fonctionnement 32 millions de livres de sucre, soit l'équivalent à un an et demi de production de chocolats. L’industrie a continué à croître dépassant les besoins de The Hershey Chocolate Company. C’est alors que Milton entrevut l’opportunité de vendre le précieux produit à d’autres entreprises américaines.
L'atypique village Hershey
Hershey était un entrepreneur habile et aussi un humaniste éprouvé. Il finance vers le début du XXe siècle le village Hershey en Pennsylvanie, pour les travailleurs de The Hershey Chocolate Company et leurs familles. La localité a été privilégiée avec des logements, un parc à thèmes et des écoles gratuites pour les enfants pauvres et orphelins.
Pueblo Hershey
L'homme d'affaires souhaite recréer des conditions similaires pour ses employés cubains. Milton réplique donc le modèle de ce village américain à Cuba autour de la centrale sucrière. Il le baptise également Hershey. Les anciens de la ville se souviennent que les loyers des logements étaient plus économiques que dans d’autres régions de Cuba. Toutes étaient équipées d’installations électriques, d’eau chaude et froide, et arboraient un jardin que les familles soignaient grandement. Un confort impensable pour les travailleurs cubains de l’époque.
Milton améliora également les conditions des baraquements, de petites maisons d’anciens esclaves qui travaillaient dans la centrale, à une époque marquée par des préjugés raciaux. Ces constructions sont toujours présentes dans le village.
Reparto Lutgardita
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L’entrepreneur a également veillé à ce que ses employés aient accès aux divertissements en créant un théâtre, un stade de baseball et un grand jardin que traverse la sauvage rivière Santa Cruz del Norte. Comme à Hershey en Pennsylvanie, Milton y finance des écoles gratuites pour les enfants orphelins et pauvres. Pour le magnat, « les affaires étaient une question de service humain ».
Grandeur et décadence de la Hershey Chocolate Company
En 1921 le village Hershey à Cuba célébrait la construction d’un chemin de fer électrique avec la technologie la plus avancée de l’époque. L’œuvre a fait sensation sur l’île et au-delà de ses frontières. La prestigieuse revue Scientific American a même diffusé la nouvelle.
Tren Hershey
Le réseau ferroviaire Hershey disposait de 336 kilomètres de voies ferrées, initialement utilisés pour transporter la canne au moulin et le sucre raffiné au port. Avec le temps, le train a commencé à transporter des passagers entre La Havane et Matanzas.
Tren Hershey
Après le triomphe de la Révolution cubaine en 1959 le village Hershey à Cuba a été renommé Batey Camilo Cienfuegos, en l’honneur du héros cubain, et l’État a nationalisé la centrale sucrière. Les habitants continuent de l'appeler Hershey, même après que le gouvernement cubain ait ordonné la fermeture de la centrale.
Cuba Autrement
Tren Hershey
Dans le village, les vestiges de la gigantesque raffinerie rappellent l’œuvre de Milton Hershey, également commémorée par un exemplaire rouillé du train électrique, qui lutte encore contre les dégâts du temps. Cependant, ce qui suscite le plus d’intérêt dans la ville, de pourtant plus d’un siècle d’âge, est la nostalgie de ses habitants pour le village qui faisait autrefois partie de l’empire du chocolat.
Cubanía s’efforce de retranscrire, que ce soit par l’image, le son, ou l’écrit, la vie quotidienne de La Havane et de Cuba à un public hétéroclite, curieux, intéressé, souvent non résidents. Toujours en dehors des grands débats politiques, économiques ou des thèmes couramment traités par les médias officiels, Cubanía souhaite au contraire faire témoigner les Cubains de tous les jours, la société dans son organisation actuelle, à travers des lieux, des traditions, des expressions culturelles parfois méconnues.